24/05/2023
Depuis que je travaille chez Qualité-Village-Wallonie, j'entends parler de la pierre sèche et sa reconnaissance comme patrimoine immatériel. J'ai repris en cours de route des projets en lien avec ce type de construction notamment à Engreux, avec les Murayîs, ces habitants qui restaurent les murs en pierre sèche du village mais également avec Amandine Schaus porteuse du projet Interreg Pierre Sèche en Grande Région pour le Parc naturel des deux Ourthes
En parler c'est bien ! Mais agir c'est encore mieux !
Les Murayîs cherchaient une date pour se retrouver au printemps afin de continuer à embellir le village grâce à leurs talents de murailleurs.
Quand j'ai appris qu'ils se réunissaient le week-end du 15 avril, j'ai sauté sur l'occasion afin de mettre la main à la pâte et de connaitre la pratique et la technique de construction en pierre sèche.
Il est donc question de démonter et remonter un morceau de mur appartenant à un des bénévoles.
Dater les murs en pierre sèche est compliqué. Mais, une photo des années 1940 atteste déjà de la présence de celui-ci et selon la mémoire des habitants, on n'y aurait pas touché depuis.
9h, le 15 avril, Voye dol cour (grand-rue) : pas moins de 10 Murayîs s'activent déjà autour du mur. Certains préparent les outils, les sceaux et les tamis, d'autres commencent déjà à démonter les pierres.
J'arrive, toute impressionnée par ce groupe qui est déjà au travail de bon matin. L'accueil est chaleureux. On me demande d'où je viens, on parle de la région, de leur travail, bref, je suis mise dans le bain !
J'arrive près du mur et je me demande « mais par où commencer ? Que faire ? C'est quoi ces tamis, ces sceaux ? Pourquoi doit-on mettre les pierres sur chant pour les stocker et pourquoi me parle-t-on sans arrêt de chips ?! ‡a commence à me donner faim tout cela. »
Pas le temps de rêvasser, j'enfile mes gants et au boulot. On me montre comment retirer les pierres, comment les stocker à proximité du mur pour les réutiliser plus facilement, comment utiliser le tamis pour récupérer les petites pierres de schiste qui se sont effritées et cassées en démontant le mur.
« Ah ! C'est ça les chips.déception ! » J'apprends pourtant que ces petits morceaux auront un rôle important dans le remontage du mur. Et oui, pas de mortier, ni de liant pour reconstruire un mur en pierre sèche. Logique !
Plus les pierres s'enlèvent, plus je tombe sur de petites bêtes : les araignées, les escargots mais aussi les tritons ! Ils ont un ventre tout orange ! Un des bénévoles me dit que ce sont des tritons alpestres. Incroyable de les trouver sous les pierres !
En plus de démonter, on agrandit la tranchée du mur. Et oui, les murs en pierre sèche sont construits avec un fruit, une base un peu plus large que son sommet. Pourquoi ? Pour permettre une meilleure assise du mur et qu'il tienne longtemps.
À 11h, pause. L'ambiance est là. On parle de tout et de rien, de la provenance de chacun, des anecdotes liées aux pierres sèches et même du bistrot « Le vieil Engreux ». Moi, je suis émerveillée par ce travail. C'est physique mais tellement gratifiant de savoir que des gens sont toujours aussi sensibles à leur patrimoine, et capables d'enlever les pierres pour refaire quelque chose de bien solide.
Le mur se démonte à vue d'œil. Pas question d'oublier d'enlever la dernière pierre du sous-bassement même si elle est lourde, cela permettra de repartir de 0 et sur de bonnes bases.
À 12h30, pause de midi. Nous sommes reçus chez Pol où son épouse nous a préparé la « pasta della nonna ». Les discussions vont bon train. Le temps de reprendre des forces, un petit café et hop, on se remet au travail.
Il est temps de remonter le mur. Comment faire ? On plante d'abord des piquets (un gabarit) pour tendre un fil afin que le mur soit rectiligne pendant l'élévation de celui-ci et respecte bien le fruit.
La première pierre est posée, on peut commencer.
On me surveille d'un œil attentif. Les pierres ne se mettent pas n'importe comment : on doit choisir les bonnes pierres, avec les bonnes formes et les bonnes tailles, on essaie de placer les faces rectilignes contre les bords de la tranchée, du côté visible ; les pointes sont généralement mises vers l'intérieur. C'est comme un puzzle en fait et les puzzles, j'adore ça !
Mais comment savoir qu'une pierre est bien posée ? Il faut appuyer sur les coins pour voir si elle bascule ou monter dessus tout simplement ! On cale et on stabilise avec des plus petites pierres de schiste. C'est là aussi que les chips vont avoir toutes leur importance puisqu'ils vont être placés pour remplir les trous et stabiliser les pierres entre elles.
À l'extrémité du mur, plusieurs Murayîs s'occupent de racines récalcitrantes car un saule pousse par-dessus. Impossible d'arracher l'arbre évidemment donc les racines qui empêchent le remontage du mur sont arrachées et pas n'importe comment ! Un des bénévoles est venu avec son tracteur et son treuil car les haches ne sont pas venues à bout du saule.
16h30, il est déjà temps de terminer la journée. On regroupe les outils, on nettoie le chantier et on retourne profiter d'un morceau de tarte et d'une bière bien mérités.
Cette journée sous le soleil était parfaite, nous avons même intrigué les passants qui posaient leurs questions. Le reste du chantier continue le dimanche 16 avril avec d'autres bénévoles qui prendront le relais.
J'ai vraiment la sensation d'un travail bien fait, bien encadré, en équipe, d'une expertise et d'une expérience riches. Maintenant, je peux dire que j'ai participé à un chantier de restauration d'un mur en pierre sèche et que je sais comment ça fonctionne.
J'ai aussi la sensation que demain, j'aurai un milliard de courbatures à des muscles dont je ne connais pas l'existence.
Il est temps pour moi de rentrer dans mes contrées namuroises et de saluer ces bénévoles qui m'ont épaulé tout au long de la journée.
Merci les Murayîs !
Vous aussi vous voulez en savoir plus sur les Murayîs d'Engreux ?
N'hésitez pas à vous rendre ici pour connaitre la genèse du projet.
Pauline Foglia
Coordinatrice de projets
Qualité-Village-Wallonie association sans but lucratif
Bureau et siège social
Chaussée d’Argenteau 21 – 4601 Argenteau (Visé) Tél. 04 379 05 01
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