07/05/2020
Depuis le Haut Moyen Âge, saint Roch est l'un des saints les plus invoqués contre les épidémies. Pèlerin en route vers Rome, il soigne les malades et les pestiférés. Lui-même atteint par la peste, il en guérit. Son culte s'est directement développé en Italie et en France avant de se répandre à l'ensemble du monde. En Wallonie, de nombreuses traces ponctuent nos campagnes. C'est tantôt une potale, tantôt une chapelle. De nombreuses églises, si elles ne lui sont pas directement dédiées, en gardent parfois une effigie, tableau ou statue. Dans d'autres villes encore, des processions lui sont consacrées chaque année. Couplées avec des marches militaires et autres réjouissances profanes, certaines finissent par intégrer le folklore local et affirmer une identité forte. Réelle dévotion ? Elan populaire ? Coutume fétichiste ? Saint Roch reste dans tous les cas une figure majeure de notre patrimoine. Et raviver son souvenir en pleine période de pandémie peut permettre d'allumer une petite flamme “ d'espoir pour certains, de réconfort pour d'autres.
« Jamais saint Roch sans son chien »
Saint Roch naît à Montpellier entre 1345 et 1350. En 1358 et 1361, il vit les terribles épidémies de peste. Vers 17 ans, orphelin, riche et instruit, il distribue sa fortune aux pauvres et entreprend un pèlerinage à Rome. En Italie, le terrible fléau de la peste sévit. Il suit les méfaits de l'épidémie et, avec un signe de croix notamment, soigne les malades sur son passage. Il s'arrête dans des villes, comme Acquapendente, Cesena et enfin Rome. De nombreuses guérisons miraculeuses lui sont attribuées. Selon la légende, le pape Urbain V en le voyant se serait écrié « Il me semble que tu viens du paradis ! » et lui donne l'indulgence plénière. Sur le chemin du retour, en 1371, il s'arrête à Plaisance, où il contracte lui-même la peste. Il se réfugie alors dans un bois, à Sarmato. Grâce à une source proche, il se désaltère et nettoie ses blessures et, chaque jour, un chien lui apporte un pain chapardé à son maître. Il guérit, poursuit sa route mais, pris dans les guerres qui ravagent Milan, il est soupçonné d'espionnage et arrêté. Fidèle au vœu d'anonymat de tout pèlerin, il ne révèle son identité à un prêtre que la veille de sa mort, 5 ans plus tard, un 16 août, entre 1376 et 1379. D'après des témoins, le cachot se serait illuminé et le dernier souhait de saint Roch à l'ange venu l'assister est d'intercéder pour les gens en souffrance.
Naissance du culte
Saint Roch est enterré à Voghera. Directement après sa mort, une fête lui est consacrée. Ses restes considérés comme unique protection contre la peste sont fractionnés et distribués. Au 16e siècle, le pape les aurait lui-même répartis en plusieurs parcelles pour préserver les villes et les monastères de la contagion. Au 19e siècle, les grandes épidémies du choléra ravivent sa dévotion.
Représentations
Saint Roch peut être représenté dans divers matériaux, ainsi que dans des attitudes et tenues différentes. Tête couverte ou non, il montre sa blessure à la jambe gauche ou droite. Il est très souvent accompagné du chien, qui l'aurait aidé à s'alimenter. Un ange est parfois aussi représenté : comme annonciateur de la maladie, consolateur ou soigneur du bubon infectieux.
Les dimensions des statues sont tout aussi variées, les plus petites pouvant tenir dans les mains des mourants.
Dans l'église Saint-Joseph de Dolembreux (Sprimont), dont la décoration et les peintures intérieures ont été restaurées avec l'aide de Qualité-Village-Wallonie de 1993 à 1996, figure une telle statue polychrome du 18e siècle. De même dans la chapelle restaurée par QVW en 1993, à Jupille-sur-Meuse.
Le petit patrimoine populaire
De nombreuses chapelles dédiées à saint Roch ont été construites après les diverses épidémies (peste, typhus, choléra, fièvre espagnole.). Qualité-Village-Wallonie a accompagné plusieurs comités de bénévoles à travers la Wallonie, notamment l'asbl APPEL pour la restauration de celle de Crupet, entre 2014 et 2017. Cette chapelle a été bâtie en 1867, à la suite de l'épidémie du choléra qui a sévi dans toute l'Europe entre 1865 et 1866 et qui a enregistré plus de 43 000 décès en Belgique.
En août 2001, un comité de bénévoles « Les Amis de la Potale Saint-Roch de Maladrie », un quartier de Thuin au nom évocateur, se crée pour restaurer l'édifice vandalisé et pour aménager ses abords. Cet élément du petit patrimoine, érigé il y a plus de 150 ans en remerciement d'une guérison, est important pour le folklore de la cité : un jalon sur le parcours de la Marche Saint-Roch, une des grandes marches militaires et folkloriques de l'Entre-Sambre-et-Meuse. Elle est aussi une trace de la piété populaire à Thuin. Pour mener ce projet, le comité demande le soutien de Qualité-Village-Wallonie qui leur apporte une aide technique et scientifique. Une récolte de dons, via le compte Fonds du Patrimoine, est également lancée.
La saint-Roch de Thuin, un patrimoine immatériel.
Mais cette année, la Saint-Roch de Thuin n'aura pas lieu le 3e weekend de mai, comme le veut la tradition depuis 1654 (date symbolique). Les Thudiniens voient le programme modifié en raison de la propagation du Covid-19. Cette décision prudente peut sembler néanmoins paradoxale au regard de ses origines. Mais, d'après le comité de la Saint-Roch, les propositions ne cessent d'affluer par dizaines voire centaines pour la maintenir, la repenser, la reporter. Une mobilisation qui illustre à quel point la population est attachée à ce patrimoine immatériel. Et que l'invocation à saint Roch, inlassablement répétée d'année en année, est bien plus qu'une vaine prière :
” saint Roch. Tu nous montras dans la souffrance, l'exemple de la charité.
Eveille en nous la tolérance, l'esprit de solidarité.
” saint Roch. ” grand saint Roch en confiance.
Enfants de Thuin, nous t'invoquons aux jours mauvais soient la défense, de ceux qui réclament ton nom.
Et demain ?
La ferveur populaire envers saint Roch a pris diverses formes dans nos régions et son culte s'est révélé de multiples façons, comme à Harnoncourt où c'est l'eau d'une fontaine qui guérissait (. même les poules). Sans doute existe-t-il d'autres pépites auxquelles on a prêté moins d'attention au fil du temps. C'est l'occasion d'y apporter un regard nouveau et de les mettre en valeur.
Si un comité villageois souhaite se créer ou se rassembler (même virtuellement), les coordinatrices de projets de Qualité-Village-Wallonie sont prêtes à vous soutenir dans cette aventure : rechercher des informations, mettre en place des outils et des moyens, créer des partenariats et entretenir la dynamique du projet par un suivi régulier. Les projets peuvent être variés : recenser le patrimoine communal dédié à saint Roch ; rendre des hommages symboliques ; restaurer ou mettre en valeur des statues ; célébrer le 16 août - jour de la Saint-Roch - ; ou encore recherche de documents ou de témoignages sur sa dévotion au cours du temps.
RESSOURCES
Colette PINSON, Saint Roch, entre peste et choléra. Contribution à l'histoire d'un culte en Wallonie, particulièrement en Brabant-Wallon, Louvain-la-Neuve, 2011, 128 p.
Site officiel de la Saint-Roch de Thuin
Saint-Roch, guérisseur de la peste, Archives de la Sonuma,1980, 33'
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