05/04/2023
Le 25 mars dernier, deux coordinatrices de projets de QVW, Anne et Pauline, ont eu l'occasion de participer à cette journée d'étude, à Namur.
En voici leur résumé :
Sens et jalons de l'histoire de l'art du vitrail en Belgique
Dans cette partie, il est question des changements cruciaux de la société moyenâgeuse avec, notamment, la période de croissance et de prospérité qui a façonné les XIIe et XIIIe siècles. L'essor de la France et le pouvoir du roi vont contribuer à la naissance de l'université mais également à la construction des cathédrales.
Les deux monuments emblématiques des XIIe et XIIIe siècles sont le chevet de l'abbatiale de Saint-Denis de Suger (1140) et la Sainte-Chapelle de Saint Louis (100 ans plus tard, 1.113 scènes illustrant l'ancien et le nouveau testament ainsi que la vie de Saint Louis).
Le jeune abbé Suger, conseiller de Louis VI et VII, va ouvrir les murs de la basilique et colorer les vitraux pour les rendre fantastiques. On les apparentera à la Jérusalem céleste qui est le thème phare de l'époque grâce aux croisades et aux pèlerinages. Le vitrail va devenir l'exposition logique et raisonnée de la vie du Christ, de l'homme qui sera offerte à la lumière de Dieu.
L'art du vitrail trouve alors tout son épanouissement.
C'est à partir du VIIe siècle qu'est attestée pour la première fois la présence de vitraux.
Au départ, il s'agit de fragments retrouvés, peints à la grisaille, la seule œpeinture qui sera utilisée jusqu'à la fin du XIIIe siècle. En Wallonie, on a retrouvé de tels fragments de vitraux romans du XIIe siècle dans le sol de l'ancienne abbaye de Stavelot.
Aux XIIe et XIIIe siècles, deux grandes catégories de vitraux se côtoient :
- les vitraux incolores dits œcisterciens ;
- les vitraux colorés : la plus vieille attestation de cette catégorie, en France, date de 1120 et concerne la cathédrale du Mans.
Au départ, la représentation figurée montre à voir des personnages cambrés ou allongés, avec une certaine tension. Elle semble très tributaire de l'architecture.
Le XIIIe siècle est un temps où l'homme va mettre de l'ordre dans les connaissances qu'il possède déjà. On invente la rosace (Chartres). Par rapport au siècle passé, on perçoit dans les scènes représentées plus de profondeur, plus de détails, plus de fluidité. C'est à cette époque que la représentation de l'arbre de Jessé est créée.
Au XIVe siècle, les personnages deviennent plus élégants, plus précieux, en symbiose avec leur environnement architecturé. Pourtant, c'est un siècle de malheurs marqué par la Guerre de Cent ans et la peste. Le XIVe siècle est toutefois un siècle de grandes innovations dans le domaine artistique puisqu'on découvre le jaune d'argent (teinture d'ocre et de sel d'argent) qui sera un merveilleux complément à la grisaille et donnera une coloration jaune or aux verres utilisés dans les vitraux. En Belgique, de cette époque, on conserve le vitrail Van Schoonvorst de l'église Saint-Eustache de Zichem (1387-88), l'un des plus anciens de notre pays.
Au XVe siècle, la œdevotio moderna apparaît : ce mouvement spirituel est créé pour les laïques (prières, lectures, pratique dévotionnelle privée). Dans le vitraux se reflètent des thèmes plus introspectifs, qui suscitent l'émotion, notamment l'enfance et la passion du Christ. Les techniques deviennent de plus en plus élaborées sous l'influence de la gravure et de la peinture (Bourges, Anderlecht).
Le XVIe siècle est un siècle riche grâce aux grands mécénats des Habsbourg notamment. L'architecture prend une place importante dans les vitraux, on crée des scènes historiques avec des personnages importants (Charles Quint, Maximilien de Habsbourg, .) (Mons, Sainte-Waudru). On voit apparaître pour la première fois l'héraldique également.
Enfin, au XVIIe siècle, les peintures à l'émail sur verres incolores apparaissent. Au XVIIIe siècle, les grandes verrières incolores sont à la mode et il faudra attendre le XIXe siècle pour voir revivre le vitrail.
Au XIXe siècle, le vitrail possède un rôle majeur dans nos églises belges mais il ne fonctionne pas seul, il dépend également de l'architecture et du mobilier.
Vers 1850, Jean-Baptiste Béthune et Arthur Verhaegen jouent un rôle important dans la redécouverte de l'art du vitrail en Belgique. Mais c'est dans les manufactures de Sèvres et de Choisy que les vieilles recettes sont retrouvées (techniques, colorations, ...) et remises à l'honneur. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, de grands ateliers voient le jour à Bruges, Gand, Anvers et Bruxelles (Ateliers Ladon, Coeck, ...). Du côté wallon, l'atelier Osterrath de Tilff produira aussi de nombreux vitraux.
Au XXe siècle, un renouveau apparaît. Une réelle modernité s'installe dans l'art du vitrail à partir des années 1920 avec l'influence de l'Art déco et la représentation de la vie nationale et locale, outre les sujets religieux. De cette époque, citons les vitraux de l'église Saint-Héribert de Bléharies, l'artiste Géo De Vlamynck.
L'IRPA a répertorié environ 300 vitraux commémoratifs et estime qu'il y en a plus encore. Un ouvrage, publié par l'IRPA et l'Agence wallonne du Patrimoine (AWAP), est sorti sur ce sujet : œVitraux de guerre et patriotiques en Wallonie et à Bruxelles.
La Guerre 1914-1918 a engendré un nouveau style dit œhistoriciste. Les vitraux deviennent les témoins de scènes de guerre, de représentations de soldats et de personnages illustres comme Albert Ier et la reine Elisabeth. A voir : les vitraux à Tintigny, Battincourt et un ensemble à Maissin (Paliseul).
Du style historiciste, on passe au style œdisco avec l'exemple des vitraux de Louis-Marie Londot, peintre et vitrailliste qui a œuvré partout en Wallonie.
En ce qui concerne leur conservation, les vitraux les plus anciens ont été les mieux protégés pendant la Seconde Guerre mondiale mais, malheureusement, pas ceux des XIXe et XXe siècles.
Fondé en 1952, le Corpus Vitrearum (CV) est une organisation internationale qui regroupe des historiens du vitrail qui s'intéressent aux vitraux médiévaux. Depuis 2016, justement, le CV a étendu son champ d'étude aux vitraux datant jusque dans les années 1920. Un intérêt particulier a enfin vu le jour pour le développement de nouveaux outils et de nouvelles techniques.
Aujourd'hui, la conservation des vitraux est de plus en plus difficile à cause du contexte de désertion et de désacralisation des églises, de leur abandon ou encore leur vente.
Techniques, conservation et entretien des vitraux
Le vitrail est fait à partir de sable. Un matériau banal qui va devenir sublime par ses qualités de transparence et de résistance au temps : le verre.
Le vitrailliste ne produit pas son propre verre. Il se fournit dans des manufactures telles que celles de Normandie ou de Lorraine.
Il réalise ensuite une maquette qui est un projet à échelle réduite et ensuite une maquette à l'échelle 1/1 qu'on appelle aussi carton.
Les peintures sont fixées à la cuisson, les morceaux de verre sont ensuite fixés dans des baguettes de plomb. Ensuite, vient l'étape des soudures puis enfin du masticage qui assure l'étanchéité du vitrail. Dans l'entre deux guerres, une nouvelle technique alliant dalles de verre et ciment a vu le jour (Anderlues, ...).
En ce qui concerne les couleurs, la grisaille apparaît en premier, réalisée à base d'oxyde de fer et de verre pilé. Le jaune d'argent apparait au XIVe siècle pour donner cette couleur jaune au verre. La sanguine apparaît dès le XVe siècle, pour teinter le verre en rouge. Les émaux apparaîtront au XVIIe siècle pour teinter localement le verre incolore.
Depuis plus de cinquante ans, le laboratoire de Recherche des Monuments historiques porte la recherche scientifique pour la conservation et la restauration du patrimoine bâti en France. En son sein, le pôle scientifique œVitrail mène sa mission de contrôle scientifique et technique aux côtés de la conservation régionale des monuments historiques et des architectes en charge des monuments.
Dans le laboratoire, la conservation des vitraux et l'altération du verre notamment sont étudiés. Le verre peut être victime d'irisation, de cratères, de croûtes uniformes (opacifiante), de fissures, de brunissement ou encore de microorganismes (algues ou lichens).
Pour connaître le verre, une machine, AGLAE, a été conçue de manière non invasive et destructrice pour l'étude de l'ADN du verre. Ce qui permet, aujourd'hui, d'en savoir plus sur la composition du verre et notamment sa datation.
La réparation des pièces de verre cassées peut être réalisée suivant plusieurs techniques dont :
- le montage Tiffany ;
- le collage par silicone neutre ;
- le collage époxy.
Il est important de protéger les vitraux à l'aide de verrières de protection, sans oublier la ventilation des vitraux (par l'intérieur de l'édifice).
Le vitrail contemporain : partage d'expériences
Etienne Tribolet a 36 ans de métier. Il parle de son métier avec beaucoup de passion et d'engagement. Durant une très grande partie de sa carrière, il a réalisé ses vitraux seul, de A à Z. Aujourd'hui, il tente l'expérience de s'associer à d'autres professionnels.
Bernard Tirtiaux réalise des vitraux depuis 1968. Il a mis en place une technique qui lui est propre : la création de parois en verre réalisées en lamelles de verre cristallin assemblées avec une colle silicone.
L'abbé Michel Teheux a financé le chantier de restauration des vitraux de la cathédrale Saint-Paul de Liège, brisés pendant la Seconde Guerre mondiale. En tout, ce sont une quinzaine de vitraux avec plus de 233 panneaux qui ont été rénovés. œLe désir de laisser une trace, certainement.
La particularité de ces vitraux ? Leurs motifs géométriques pour témoigner des changements de la société et de la liturgie où chacun est libre d'interpréter lui-même ce qu'il a envie de voir ou de lire.
Anne Franchimont et Pauline Foglia
Coordinatrices de projets
Public visé : Tous publics
Projet lié : Participation de Qualité-Village-Wallonie à différentes formations
Qualité-Village-Wallonie association sans but lucratif
Bureau et siège social
Chaussée d’Argenteau 21 – 4601 Argenteau (Visé) Tél. 04 379 05 01
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